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Parti courir no 88, 30 mai 2022

Je suis parti courir. Après mon stylo, pour noter des souvenirs. Mais c’était inutile. Ils sont encore frais en mémoire.

Samedi dernier, 10e édition du Défi Cyclo Myélome. Un événement monté de toutes pièces par deux femmes formidables, Maryse Bouchard et Francine Ducas. Dans la soirée, quand elles m’ont passé le micro pour que je puisse parler de mon livre, tout ce que j’ai trouvé pour les décrire, c’est : « une combinaison parfaite de générosité et de tête de cochon ». 

Un brin maladroit, me direz-vous mais un gros un compliment.

Une grande bonté et la détermination de donner au suivant. En 10 ans, secondées par une poignée de bénévoles, elles ont amassé plus de trois quarts de million pour la recherche sur le myélome multiple. Vous en connaissez beaucoup des gens qui ont réussi ça?

Elles ont réussi autre chose également, créer une communauté. Dont je fais partie. Dont je suis même devenu, à ma façon, un porte-parole.

Le livre « Parti courir », m’a amené dans les médias. Marie-Lyne (la vraie porte-parole du Défi) m’a invité à sa « Semaine des quatre Julie ». Elle en a aussi parlé à « Tout le monde en parle ». J’en ai discuté avec Denis Lévesque et dans quelques journaux. Samedi, des gens venaient me dire merci et me demandaient de faire le même message à Marie pour en avoir parlé, mis des mots et un nom sur cette condition.

Le myélome multiple est peu connu malgré 3000 diagnostics par année au Canada. Une méconnaissance aux impacts négatifs. Sur le financement de la recherche, évidemment, mais aussi sur ce que j’appellerais son acceptation publique. Un nom bizarre, une maladie pas facile à expliquer. Il y a encore un côté tabou dans ça. 

Mais pas samedi. Samedi, on était en famille. Sur la route en pédalant ou en signant un livre, on me disait où on est rendu dans les traitements, quels effets secondaires on ressent, comment va son conjoint, son ami, sa sœur. Comme ça, sans préambule, simplement, à cœur ouvert.

J’ai eu la chance de rencontrer comme ça: 

Bernard. On termine le 83 kilomètres. Encadreur, j’ai pu rouler avec un peu tout le monde de mon peloton, dont Laval, que je connais par le vélo, venu avec quelques amis. J’ignore leur histoire. On franchit la ligne d’arrivée et un d’entre eux, Bernard, tombe dans les bras de son fils, en larmes. Deux costauds qui pleurent. Nicole, la conjointe de Bernard est décédée l’été dernier. Lui, son fils, Laval et un ami roulaient, « In Memoriam ». À la mémoire de Nicole. 

83 kilomètres, ça laisse du temps pour penser, je vous le jure.

Danny. Danny Wade. Après bien des démêlées médicales, il roulait cette année son premier Défi. Il a fini en champion, avec une réserve d’énergie suffisante pour livrer au souper un touchant témoignage sur l’importance de la recherche, génératrice d’espoir. 

Stéphane et Pascal. Alary et Fréchette. Deux encadreurs de mon club de Chambly qui ont décidé que le mieux qu’ils avaient à faire, un samedi, c’est aider des inconnus. Très appréciés de « leurs » cyclistes, si vous leur demandiez, je gagerais qu’ils vous répondraient avoir vécu une très belle journée. Donner, c’est le fun.

Lyzane. Lyzane Bissonnette qui est venu me voir avec un sourire grand de même pour m’annoncer qu’on est dans le même bateau. Son myélome indolent ne l’est plus. Elle s’implique dans l’animation d’un groupe de support sur la Rive-Sud de Montréal.

Et, bien sûr, Jocelyn. Jocelyn Boulay. Inspiration d’un groupe de 29 personnes, « La gang à Boulay ». Amis, membres de la famille, vieux chums de Cégep, tous inscrits au Défi en support à Jocelyn. Du monde éminemment sympathique qu’on a rencontré dès le vendredi soir puisqu’on logeait au même hôtel. Ils étaient assis dans le petit salon, j’ai remarqué que quelqu’un dans le groupe avait dans les mains « Parti courir, chroniques pandémiques ».

Michel Tremblay n’est sûrement plus surpris de croiser un lecteur mais dans mon cas, à ce stade de ma « carrière » d’auteur, moi, je le remarque en maudit! On s’est donc mis à jaser. Le lendemain, Mme Ménard encadrait une partie de « La gang », moi aussi. On a été chanceux.

J’en aurais encore bien d’autres à vous présenter. Avec leurs moments d’humanité, de fragilité, de solidarité. Beaux de même. 

Mais j’ai choisi de vous laisser sur une note qui démontre que, même dans des instants aussi formidables et émouvants, je conserve toujours un talent pour avoir l’air fou. 

J’ai vendu samedi plusieurs livres. Payés en argent comptant. Pourquoi je vous dis ça? Parce qu’après deux heures de ventes, j’avais une poche de pantalon pleine de cash. Fast forward au souper, je vais chercher une bouteille de vin. Deux options de paiement. Comptant ou crédit, en utilisant une vieillotte machine qui fait « Ke-schlak, Ke-schlak » quand elle passe sur les trois copies du reçu papier rempli à la main. 

Oui, ça existe encore.

Dans le doute, je préfère payer cash. Poche droite, où se trouve habituellement l’argent liquide : Rien! Mais j’y pense, la poche gauche, elle, est pleine. De l’argent des livres. Que j’ai vendus en jurant « tous les profits iront au Défi Cyclo Myélome! »

Après avoir regardé autour de moi, j’en ai extrait aussi discrètement que possible 40$. Oui, amis lecteurs, le livre que vous avez acheté a temporairement servi à financer une bouteille de rouge. Le remboursement a été fait le lendemain, juré.

Je préfère la transparence totale. Au cas où quelqu’un aurait une photo compromettante à diffuser sur les médias sociaux : « Scandale! Parti courir camoufle la consommation de l’auteur! »

Mais je vous ai vus samedi, ce n’est pas votre genre. Vous êtes de bien trop bons humains pour ça. Vous, c’est plutôt le genre à dire comme le mentor du docteur Jean Roy : Let’s Make the World Better.

P.S. L’édition 2022 du Défi Cyclo Myélome a réuni 140 cyclistes et permis d’amasser plus de 100 000$. Un record dans les deux cas.