COURIR AVEC MARIE

Parti courir, no 29. 7 juin 2020.

Je suis parti courir. Avec Marie-Lyne qui me parlait dans les oreilles. Pas pour vrai, dans les écouteurs. Pas comme quand elle était toute petite et qu’elle découvrait le pouvoir de la description. On roulait en auto ou on marchait quelque part et Marie se sentait obligée de décrire tout ce qu’elle voyait. Une espèce de Pierre Houde du siège d’en arrière : « Une auto! Une bicyclette! Quelqu’un sur le coin de la rue! Un chien! Un panneau d’affichage! ».

Oui, c’est super cute, dit comme ça mais on s’entend que quand elle fait ça pendant deux heures en voiture, on en vient à passer le cap de la « cutitude ». Le son du moteur et de la radio en sourdine, parfois, c’est amplement suffisant.

Donc, je courais avec Marie dans les oreilles parce qu’elle avait participé à un podcast que j’avais mis dans mes écouteurs. Un « podcast » pour les plus vieux, c’est comme une émission de radio mais avec pas tant d’auditeurs, pas de commanditaires, peu de chance de rentabilité et aucune limite de temps. Ça peut donner des entrevues d’une heure et demie, comme celle de Thomas Levac avec Marie-Lyne.

Premier constat, Marie me ralentit. Sans doute parce je prêtais attention à ce qu’elle racontait, j’ai rarement couru aussi lentement. Je sais que la musique que j’écoute à très peu d’effet sur la performance. Springsteen ou Safia Nolin, pour moi c’est de la distraction et les pattes me tournent sensiblement au même rythme que ce soit l’un ou l’autre. Les podcasts ont l’air d’avoir un effet différent.

Deuxième constat, on en apprend toujours. Je connais Marie depuis 27 ans. Visiblement il y a des grands bouts qui m’ont échappé. Tant mieux d’ailleurs parce que je suis de la vieille école qui pense qu’on n’a pas besoin de tout savoir des enfants. N’empêche, dans ce genre d’entrevue, les personnes ont tendance à s’ouvrir beaucoup. Vous connaissez l’expression « avoir son jardin secret » ? Marie-Lyne, elle, c’est plutôt un grand, grand champ ouvert. Quelqu’un qui m’aurait suivi tout au long de cette sortie aurait noté des mouvements qui n’avaient rien à voir avec la course mais plutôt en réaction à « Non, elle ne s’en va pas là-dedans… non… ben non… oui, elle raconte ça! » 

En matière de vie publique vs vie privée, dire que je suis un dinosaure ne rend même pas justice au gouffre qui sépare ma génération de la sienne.

Finalement, elle m’a eu à l’usure. J’ai écouté attentivement, comme le fan que je suis. Après 10 kilomètres, j’étais chez moi. Marie 1, Coureur, 0. Il m’en reste encore pour une demi-heure. Je pense reprendre l’écoute à la prochaine sortie. 

Il me reste des choses à apprendre.

Catégories : Juin 2020