POUR ÉCOUTER LA CHRONIQUE

Parti courir, no 34. 28 juin 2020.

Je suis parti courir. Pas le choix, je suis en train de lire une recommandation de mon neveu Pierre-Luc, « Autoportrait de l’auteur en coureur de fond ». Je vous laisse deviner de quoi ça parle. Si tu t’ouvres un sac de chip en lisant ça, tu files un peu cheap.

J’ai renoué au passage avec la clientèle du Mon repos. Le Mon repos, une combinaison bar-motel, est une institution à Chambly et même au-delà. Le Mon repos fait tellement vieillot qu’il a servi de décor pour quelques films, dans des scènes où on voulait reproduire le passé sans trop investir au présent. 

Je n’étais pas là au moment où ça s’est produit mais j’ai l’impression que le docteur Arruda n’avait pas fini de prononcer la phrase « le déconfinement des bars » que la terrasse du Mon repos était déjà remplie. La clientèle habituelle. La cinquantaine et plus, pas mal de fumeurs qui font la rotation Table-Stationnement-Toilettes-Table-Une autre bière. Pratiquement que des hommes. 

À force d’y mettre des heures, depuis des années, ils avaient sûrement déjà réglé pas mal tous les dossiers en suspens sur la planète mais là, comme tout le monde, ils ont du retard à rattraper. 

Je me demandais en passant devant la terrasse… ils ont fait quoi, en mars, avril et mai? S’ils ont autant de choses à se dire maintenant, est-ce qu’ils avaient gardé le contact? 

Tenaient-ils une appel conférence régulièrement? 

Est-ce que quelqu’un avait pris un abonnement ZOOM Pro, pour que chacun chez lui, devant son écran avec sa petite frette, puisse dire si on doit échanger Shea Weber, augmenter le salaire minimum, refaire l’asphalte et permettre le port du voile au travail? 

S’étaient-ils créés un groupe Facebook Terrasse du Mon repos?

Chose certaine, la place et le groupe leur avait manqué. En plein après-midi de semaine la terrasse qui entoure le bar était remplie. Il m’est revenu à l’esprit le souvenir d’une de mes première courses, en mars. J’étais passé devant le Mon repos, vide, et j’avais aperçu une canette, vide aussi, dans la haie de cèdre qui longe le parking. 

Quand je suis repassé 15 minutes plus tard, il y avait un gars accoté après la haie, une autre bière en main. Le regard au large, accroché après sa canette comme un naufragé qui se tient après une bouée. Il attendait les secours. 

Je ne pense pas risquer grand-chose à parier qu’il faisait partie de la première vague de clients, hier. 

Catégories : Juin 2020