Parti courir, no 3. 27 mars 2020.
Je suis parti courir. Je sais, je me répète. Si vous avez lu les histoires précédentes, vous savez qu’il y a là comme un thème. Une réalité aussi. Avec le confinement, je me sens comme mon chat, le nez collé sur la porte en attendant qu’on l’ouvre. Pareil comme Gaston. En moins « cute ». En moins gossant aussi. Il ne le sait pas mais il est à ça de se faire confiner… dehors!
Le 5 km est devenu une nouvelle discipline : le 5 km en zigzag. Pas évident de donner à tout le monde son 2 mètres d’éloignement, surtout quand un groupe famille-amis occupe toute la largeur de la rue et qu’une fillette sur un redoutable petit vélo rose me fonce dessus. Je l’évite d’une pirouette digne d’un arrêt-court pivotant le double jeu (je vous jure que j’ai réussi ce jeu-là au moins deux fois en carrière), les adultes rigolent, je continue mon chemin.
Ça me frappe : les adultes ont rigolé. Ça n’arrive pratiquement plus d’entendre des adultes que je croise rigoler. Ou même sourire. Ou même juste répondre d’un petit signe de tête à une silencieuse salutation.
Pourquoi on est si lourd publiquement? La Covid-19 ne se transmet pas par le regard, j’ai vérifié. Pas non plus par le sourire, ni par le « Bonjour », à moins de réussir à postillonner sur quelques mètres en disant bonjour et, avouons-le, ça prendrait toute une combinaison de dentition déficiente et de projection de voix.
Sur 5 km, je peux compter sur deux de mes doigts gantés les personnes avec qui j’ai eu un minimum d’interaction. Il y a eu ce coureur que j’ai doublé, plus âgé et plus lent que moi. Merci monsieur pour les deux comparaisons, j’apprécie de me retrouver à l’occasion du bon côté des statistiques. Ainsi qu’une coureuse minuscule, souriante, aux allures de gazelle. C’est sûr que peser environ 40 kilos, ça donne une chance au caoutchouc des espadrilles. Oui, je suis jaloux, bon.
Et à l’inverse, il y a ce grand gars, belle foulée élégante, superbe chien en laisse… et un #?##%&@ d’air bête de fendant. Intérieurement, je lui ai réservé un de mes doigts gantés. Un des plus long disons.
Si on faisait un effort de civilité? À deux mètres, on se salue, on reconnait l’existence des autres. On est tous dans le même bateau. Même à distance, une petite tape dans le dos, ça fait encore du bien.
Souriez, ça va bien aller