Partir courir, no 1. 18 mars 2020.
Je suis parti courir. Par obligation morale (je suis inscrit avec Marie à une course qui n’a pas encore été annulée) et par absence de choix: la session de spinning a été interrompue abruptement, les gyms sont fermés, mes ligues de hockey ont mis le reste de la saison sur la glace. Façon de parler bien sûr, les saisons de ligue de garage sont toujours, par définition, sur la glace.
Donc, je suis parti courir. Conditions idéales, -1, gros soleil. Surprise, la rue qui longe le Richelieu est pleine de monde. Pas pleine genre Festival, mais pleine genre « un super beau dimanche après-midi de juillet”. Curieux pour un mercredi après-midi de mars? Bref intermède d’inconscience qui ne dure pas. J’allume sur le fait qu’on n’est pas n’importe quel mercredi après-midi de mars. Ce 18 mars, 14h30, vous est gracieusement offert par le coronavirus!
Je croise un premier groupe à qui je fais un petit signe de la main. Je ne fais jamais ça, saluer les piétons de la main quand je cours. Les cyclistes et les proprios de vieilles voitures anglaises, oui. Les piétons, jamais. On a sa fierté quand même.
Les gens avancent, solo, en duo ou parfois en famille, élargie ou non, congé d’école en déplacement. Je multiplie les bonjours silencieux et les petits signes: je suis Elisabeth 2.0. Drôle de feeling, comme si on voulait parler, dire « Hey, on se reverra de l’autre côté du virus » mais en gardant un mètre de distance et sans trop se compromettre. Avec un fond de méfiance. Si ce gars-là était LE gars que tu ne veux pas croiser. Je l’ai entendu tousser au loin, non?
Des enfants jouent au soccer avec des glaçons en respectant (presque) le concept de distanciation sociale. Les chiens, eux, n’ont rien compris et se lancent sur tout le monde. Quant aux chats, ils ont l’air vaguement frustré par l’invasion massive de leur territoire.
Je continue de courir, le genou gauche m’informe qu’il n’est pas d’accord avec la reprise des activités. Las de faire des signes, je rentre dans ma bulle, musique à l’appui. Mais ma playlist, d’ordinaire si opportuniste me laisse tomber. Elle me sort Lisa Leblanc quand c’est Daniel Bélanger qui aurait été de circonstance:
Six milliards
Six milliards de solitudes
Six milliards ça fait beaucoup
De seuls, ensemble*
*Daniel Bélanger, Dans un spoutnik