Parti courir, no 56, 19 novembre 2020.
Je suis parti courir. En pensant à une religieuse. Sœur Saint-… quelque chose. Désolé, j’ai oublié le nom. On va se faciliter la vie et s’entendre sur « Saint-Joseph » pour la suite de l’histoire. Dans mon village, l’école primaire s’appelait « le Couvent ». Quelques religieuses en fin de carrière y habitaient encore, dans une mystérieuse section dont on nous tenait à l’écart.
On appelait l’école « le Couvent » mais il y avait un bon bout de temps que plus personne ne se faisait d’illusions sur les vocations catholiques qui pourraient s’y développer.
Les profs étaient, à quelques exceptions près, des femmes laïques. Les sœurs Simard, Mme Boivin, la redoutable Mme Laroche. Encore aujourd’hui, j’associe Mme Laroche à arithmétique et arithmétique à « pas trop bon là-dedans ». Quand j’entends les milléniaux faire de l’introspection sur leur enfance pour essayer de trouver une raison à tous leurs malheurs, je me dis que je devrais faire pareil. Revendiquer une brillante carrière en sciences que je n’ai pas eue à cause du blocage causé par l’approche pédagogique robuste de Mme Laroche.
Oui, messieurs-dames, un Nobel s’est peut-être perdu dans les classes du primaire à Chambord.
Les exceptions dans le personnel enseignant du Couvent étaient les quelques religieuses qui y vivaient toujours. Je me souviens surtout (mais pas assez, vous me direz) de Sœur Saint-Joseph qui y enseignait la musique. Le solfège plus précisément. Le solfège, en théorie, c’est une méthode basée sur la lecture des partitions. En réalité, c’est une façon d’occuper les enfants en parlant « musique » sans avoir à investir dans l’achat d’instruments. Ça ne faisait presque pas de bruit, l’école n’était pas grande, c’était probablement une bonne idée. Par contre, côté apprentissage…
J’ai fait un an de solfège avec sœur Saint-Joseph. Je suis donc arrivé confiant dans mes moyens aux auditions pour devenir membre du corps de tambours et clairons du village. J’ai fait de mon mieux, les responsables ont délibéré (pas vraiment longtemps) et le verdict est tombé. Mon talent musical me qualifiait pour porter un drapeau.
On peut ici reprendre le paragraphe de tantôt : Milléniaux, introspection, blocage, brillante carrière musicale échappée, tout ça c’est la faute à sœur Saint-Joseph.
Bref, il y a peut-être aussi un Grammy qui s’est perdu dans les classes du primaire à Chambord.
Pourquoi je pensais à Sœur Saint-Joseph ce matin? À cause du nouveau système d’opération de mon Apple Watch. Oui, ça se tient, je vous le jure. La montre peut maintenant déclencher un minuteur quand on se lave les mains. Une sonnerie vous informe que vous avez fait vos 20 secondes.
Vous voyez, en plus de sa tâche en solfège, Sœur Saint-Joseph faisait office de directrice locale de la santé publique, bien avant qu’on devienne familier avec la notion de santé publique. Elle insistait toujours sur l’importance de se laver les mains.
Une montre qui vous tape sur les doigts, elle aurait adoré.