Parti courir, no 4. 29 mars 2020.
Je suis parti courir. Encore. Je cours aux deux jours et ça parait, autant sur la distance que sur la vitesse. Je reviens progressivement là où j’étais quand je courais avec assiduité, genre préparation annuelle pour le Grand défi Pierre Lavoie.
Le temps est nuageux, juste assez frais. Je zigzague de deux mètres en deux mètres avant d’arriver à une piste cyclable pas mal moins achalandée et là, je suis vraiment sur une bonne lancée. Après quatre kilomètres, courte pause quand je me fais dépasser. Par une p’tite fille. Une dizaine d’années, queue de cheval, bandeau, manteau et espadrilles roses. Une p’tite fille.
Elle me dépasse, juste comme moi j’ai prévu reprendre la course, ce que je fais sans hésiter. C’est là que ça dérape. Elle est cinq mètres devant moi. Et on court exactement à la même vitesse! Pareil, pareil. Je vous laisse quelques instants pour visualiser la scène : la p’tite fille en rose qui court, suivie, à cinq mètres, par un bonhomme d’air un peu louche, lunettes noires même s’il ne fait pas soleil, qui reste toujours précisément à la même distance.
Il s’écoule environ cinq secondes pendant lesquelles je trouve ça amusant avant que je réalise « Mon dieu, je cours après une p’tite fille! ».
Je. Cours. Après une p’tite fille!
Je suis pris. Si j’accélère, je vais me casser pour la finale, si je ralentis, je brise mon rythme et ce n’est souhaitable. On dépasse un groupe de marcheurs qui doivent sûrement se poser quelques questions. Elle, elle ne change pas de rythme, on est comme deux voitures sur le « cruise control » qui se suivent sur l’autoroute.
Ça roule dans ma tête, pas le temps de penser à ma respiration, je suis dans les aspects moraux, légaux, sociaux de l’affaire, l’impression que ça dure très longtemps. Mais… mais… mais, juste à ce moment-là, la p’tite fille décide de s’arrêter et repartir dans l’autre sens. Problème résolu!
Je la croise. Un peu pour m’excuser, je lui dis en passant « on court à la même vitesse! ». Elle regarde et dans ses yeux c’est très clair : « je me venterais tellement pas de ça… ». C’est vrai qu’elle a dix ans, peut-être son premier jogging et elle porte un encombrant manteau. Rose. Force est d’admettre qu’on ne parle pas d’un moment de gloire. Disons que mettre la musique de Vangelis dans Chariots of Fire (vous savez le moment où les gars courent sur la plage?) comme bande sonore des dix dernières minutes, ça serait nettement exagéré.
Mais bon, l’honneur est sauf. En fait, disons plutôt que le déshonneur est évité. De justesse. Et je retiens la leçon. La prochaine fois qu’il y a une mini coureuse en rose dans un rayon de 100 mètres, je me sauve!
P.S. n’hésitez pas si vous voulez partager la série des Parti courir. Je n’ai aucune objection à accroître le lectorat.