LA BOITE À MALLE

Parti courir, no 26. 29 mai 2020.

Je suis parti courir. Il faisait vraiment, vraiment chaud alors j’ai changé de trajet, abrégé la distance et je suis revenu par l’avant de la maison, ce qui m’arrive rarement. C’est là que je me suis fait faire des gros yeux, par ma boite à malle. 

Généralement impassible, elle tient le fort depuis longtemps. Elle m’a fait des gros yeux parce qu’elle est un peu frustrée. Je l’ai pas mal négligée. Elle a pâli avec le temps, son support est écaillé et en plus, le poteau s’est affaissé. Elle est un peu de travers, chose qu’elle a tendance à prendre… de travers. 

Admettons aussi que la boite à malle, c’est le has-been des accessoires de maison. Elle a eu ses grandes années, à l’époque où toute la correspondance passait par elle. On allait la voir chaque jour, ouvrant sa porte avec anxiété. Parfois c’était le bonheur (une lettre manuscrite!), parfois le malheur (des factures), parfois un suspens (c’est quoi ce logo?), parfois de l’indifférence (encore eux? Je ne l’ouvre même pas!). 

Aujourd’hui, il lui reste quoi? De rares avis de fournisseurs qu’on a négligé de faire passer au numérique, la publicité d’un des 50 quelques agents immobiliers qui me promettent de vendre la maison à fort prix en 24 heures et l’inévitable Publisac, également surnommé « matériel pour partir le feu ».

Même les colis, sauf exception, ne s’y arrêtent pas, pour cause de signature requise ou de volume excessif. Imaginez si ça doit être gênant pour elle de voir un colis qui attend sur la galerie quand on a consacré toute sa carrière à accueillir le courrier. 

Dans ses bonnes années, le colis attendait patiemment qu’on aille le chercher, après avoir été informé de son existence, poliment, par un carton fait exprès pour ça, déposé, selon les règles de l’art et de Postes Canada, dans la boite à malle. 

Maintenant vous commandez en ligne et vous recevez en main propre, souvent après avoir été avisé par texto que le livreur va être là dans les prochaines minutes. Bref, pauvre elle, ça lui passe tout le tour de la tête. 

Je sais, ma grande âme me perdra mais j’ai eu pitié d’elle. Faute de la rendre plus utile, je me suis dit qu’au moins je pouvais lui redonner un peu de pimpant. Un rapide nettoyage, un peu de sablage, un coup de peinture et, le gros luxe, de la poussière de ciment pour la remettre droite et solide. 

Trois heures plus tard, elle était prête à reprendre le guet. Je l’ai même réinstallée un brin plus haut que son emplacement précédent. Elle aura une meilleure vue sur la rue. 

Désoeuvrée mais jolie…

Catégories : Mai 2020