Parti courir no 108, 21 novembre 2023
Je suis parti courir. Pour me trouver un confessionnal. Non, pas vraiment mais c’est sûr que dans le Québec des années 50-60, c’est ce que j’aurais fait :
- Pardonnez-moi mon père, mais j’ai souhaité la mort d’un homme.
- …
- Pire, la mort d’un de vos collègues!
- !!!
- L’Abbé Pierre, un prêtre français, ça vous dit quelque chose? »
- ?
Je n’ai pas souhaité la mort de l’Abbé Pierre pour vrai. Non, c’est juste que j’étais en train d’écouter un très mauvais et interminable film relatant l’histoire de sa vie. On n’en voyait pas la fin. L’histoire se déroulait (et se déroulait, et se déroulait) en ordre chronologique. L’abbé, rendu autour de 80 ans, ne donnait aucun signe de faiblesse. Il avait survécu à la 2e Guerre, des accidents cardiaques et même au naufrage d’un bateau. Alors, je l’avoue, j’ai pensé qu’il était temps de « tirer la plug ».
Comme on dit, abréger les souffrances. Pas les siennes, les nôtres!
Comprenez-moi bien, je ne veux rien enlever à l’Abbé Pierre, un personnage impressionnant qui a mené une lutte sans relâche au nom des miséreux et des sans-abris. On lui doit l’existence du Mouvement Emmaüs, des organisations d’aide aux plus démunis établies non seulement en France mais aussi dans le reste de l’Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique. Il a longtemps été considéré comme la personnalité la plus admirée de France.
Il méritait sûrement un film. Mais un bon. Pas celui-là.
Celui-là, il était présenté en ouverture du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Des amis nous avaient invités à Rouyn-Noranda pour le festival. C’est sûr que vu de même, huit heures de route (aller) pour voir un mauvais film, ça n’a pas l’air d’une gestion optimale de son temps. Mais le reste du festival et l’occasion de revoir nos amis valaient largement le trajet.
Je ne vous vends pas le punch (dans la mesure où on peut parler d’un punch) du film, il finit par mourir. Honnêtement, les quinze dernières minutes, je les ai passées à guetter la montée de la bande sonore qui annoncerait la conclusion.
Il est mort à 95 ans.
Ou 137 minutes.
Ceci dit, « l’Abbé Pierre », le film, bien involontairement, nous a fourni quelque chose de très utile. Une perspective, un point de référence.
Tu sors de la salle. Tu te dis que désormais, plus rien n’aura l’air aussi long. Faire la file à l’entrée d’un restaurant de déjeuner? Un bouchon de circulation? Bah… c’est tout au plus le dixième d’un Abbé Pierre. Une salle d’attente d’hôpital? Quand vous aurez atteint le seuil d’un demi Abbé Pierre, on aura eu le temps de vous examiner, de faire les prescriptions requises et vous serez déjà en route vers la maison, presque guéri.
J’en étais là dans mes réflexions, tout content d’avoir trouvé une utilité à « l’Abbé Pierre » et une nouvelle unité de mesure quand je suis entré à nouveau dans la salle du Théâtre du cuivre pour le programme du lendemain après-midi.
Et j’y ai vu un documentaire nommé l’Ourse Bleue.
Et il a fallu que je revois tout mon nouveau système d’évaluation du temps.
Nouvelle mise en perspective, le film sur l’Abbé Pierre, venait de prendre un grand coup de vitesse. Comparée à l’Ourse Bleue, la vie du prêtre français, c’est une course de stock-car!
Notez bien que 90% de la programmation à laquelle j’ai assisté au Festival de Rouyn-Noranda a passé trop vite. Le reste…
Comme disait Einstein, « le temps est relatif ». D’ailleurs, je me demande si je ne l’ai pas justement aperçu, Albert, parmi les têtes grises dans la rangée voisine.
Nous, on a déjà commencé à parler de la prochaine virée en Abitibi. Mais pas tout de suite.
Dans une couple d’Abbé Pierre.