Parti courir, no 11. 15 avril 2020.
Je suis parti courir. Au gros vent de face pour la première moitié du trajet. Vraiment gros. Quand je suis de très bonne humeur, je reçois le vent de face positivement en me disant que c’est bon pour l’entraînement, un peu comme porter une veste lestée pour augmenter le niveau de difficulté. La plupart du temps je ne suis pas assez de bonne humeur pour ça et je me contente de pester contre les éléments.
45 minutes plus tard, j’arrive à la maison, après un détour par la rue Des Carrières. Pas de signe du chat Jean-Paul. Faut dire qu’il est à peine treize heures, c’est peut-être un peu tôt pour lui.
Plus que 100 mètres, je tourne le coin de ma ruelle généralement déserte… pour me retrouver devant trois camions de services d’urgence, des rubans jaunes qui ferment le passage et surtout un arbre, de travers sur le pavage, qui prend toute la place.
Quand je parlais de gros vent de face, ce n’est pas exagéré. Lundi soir on a frôlé les 100 km/h. Résultat, mon voisin Christian a reçu un arbre sur la toiture de sa maison. Un géant qui veillait sur la ruelle depuis quoi, au moins 50 ans? Par chance, l’arbre n’a pas accroché le gros de la structure, plutôt une corniche et le mat d’électricité. Rien de majeur comme dégâts.
Je regardais la scène en reprenant mon souffle quand j’ai réalisé que c’était la parfaite métaphore pour notre époque : On n’est pas dans la normalité. Il vente beaucoup plus fort que d’habitude. Tout le monde et toutes les choses sont affectés. La plupart s’en tireront sans dommage mais certains, même parmi ceux qu’on croyait inébranlables, ne résisteront pas.
Trois heures plus tard, je suis retourné dans la ruelle. Toujours la métaphore. Les camions avaient quitté les lieux, l’émondeur passé, il ne restait pratiquement aucune trace de l’incident. À peine quelques copeaux. Il fallait chercher pour apercevoir la base toute fraîche de la souche.
On sent qu’il manque quelque chose dans le paysage mais cette impression ne durera pas, on le sait bien.
Rendu ici, j’aimerais bien vous finir la chronique sur une belle morale, une chute surprenante ou une parole encourageante mais je suis, comme on dit, sur une patte. Quelle leçon doit-on tirer du fait qu’un géant s’écroule et que sa trace soit disparue en quelques heures? La preuve qu’on occupe bien peu d’espace ou que la monde qui nous entoure est tellement résilient?