Parti courir no 68, 12 avril 2021
Je suis parti courir. Positif comme un athlète russe convoqué pour un test d’antidopage. Si le comité olympique me contrôle, je suis fait. Aujourd’hui, je ne fonctionne pas juste au 100% bio. Je sors de la pharmacie où je me suis fait vacciner.
Oui, ce vaccin-là.
À l’évidence, les effets secondaires seront minimes. Je pense qu’enlever le diachylon constituera la plus douloureuse partie de l’opération.
Par contre, pour ce qui est des effets primaires, je suis un peu déçu.
Comprenons-nous bien. Je ne parle de l’efficacité du vaccin. Pour moi qui suis résolument dans le Team Science, il n’y a aucun doute. Ça fonctionne, c’est nécessaire et c’est le commencement de la fin du cauchemar collectif.
C’est plutôt dans l’ambiance que je suis resté sur ma faim. Depuis le temps qu’on l’attendait, je m’étais comme fait un scénario du Grand Jour : Une vaste salle lumineuse, de la musique d’ambiance, des cheerleaders, des paillettes. Après une rapide piqûre, un maître de cérémonie (Michel Lacroix, le gars du Centre Bell) allait annoncer mon nom et mon statut à tout le monde : « Ménard… Guy… Vacciné!!! ». La foule en liesse se lèverait d’un bond. Guy! Guy! Guy! Je sortirais en saluant sous les applaudissements, humble et fier, le poing sur le cœur, comme Céline.
Ça s’est pas passé comme ça.
La tristounette salle de traitement de la pharmacie a été décorée par un daltonien. Sinon par quelqu’un pour qui le gris, ça va bien avec le beige. Il y avait un client et une sérieuse secrétaire qui a mis moins d’une minute pour prendre ma carte d’assurance-maladie, confirmer la date de la deuxième dose et me diriger vers le bureau du vaccinateur. J’espérais rencontrer le docteur Fauci, j’ai vu un infirmier pas bavard.
À peine le temps de dire « Moderna », j’étais de retour dans la salle d’attente pour le 15 minutes de pause réglementaire. Le temps, selon les complotistes, pour que la 5G m’embarque sur le méga routeur mondial et que Bill Gates s’ajoute à mes amis Facebook.
Je suis ressorti. Pas d’annonceur, pas d’applaudissements. L’humilité et la fierté pas plus élevées qu’à l’arrivée. Pas la moindre trace de Céline dans l’attitude.
Et là, j’ai voulu partir avec une voiture qui n’était pas la mienne.
Un effet secondaire? Non, un effet de mise en marché. Ces #@?$$%*&% de SUV blancs se ressemblent tous. Il y en avait quatre, presqu’identiques, côte à côte. Je n’ai pas pris le bon. La porte refusait de s’ouvrir. J’ai fini par voir une sacoche sur le siège du conducteur, remercié le ciel pour le système d’alarme pas fragile de cette voiture et j’ai entendu la mienne émettre dans mon dos un « bip » un brin impatient.
Alors voilà. Tu anticipes un événement pendant plus d’un an, tu l’espères à chaque mois, puis, de semaine en semaine et le jour où ça se produit, le fait saillant de ta journée c’est d’avoir passé proche de te faire prendre pour un voleur.
On repassera pour le grandiose.