Parti courir, no 65. 27 février 2021.
Je suis parti courir. Au bout de quatre minutes j’étais pompé. Attention, pas « je pompais », comme dans manquer de souffle. J’étais « pompé », comme dans « pas de bonne humeur ».
Dans mes écouteurs, deux professionnels des médias, du monde de qui on s’attend à un certain standard de français, venait de s’échanger une paire de « faire assemblant ».
- Je gagerais que tu vas faire assemblant d’aimer le film ?
- Pas le choix, tout le monde autour adore alors je vais faire assemblant.
Je pète une coche. Automatique, aucune marge de manœuvre, j’entends « faire assemblant », je me fâche.
Alors, mémo à tous les utilisateurs : journalistes, milléniaux et boomers, animateurs, podcasteurs, monde ordinaire qui utilise des mots, en professionnel ou en amateur (ça fait quand même une catégorie assez large, ça), « à semblant ou assemblant » dans le sens de feindre, simuler… ÇA N’EXISTE PAS!
Il y a un A qui est tombé de sa tablette et s’est trouvé une job confortable devant « semblant ». Je ne sais pas quand et comment mais un bon jour, comme un virus, il s’est imposé. Comme on n’a jamais eu un confinement de vocabulaire, pratiquement tout le monde l’a attrapé. Résultat, maintenant, partout, on fait faussement « assemblant ».
On fait « semblant », pas de « a ». Assemblant ça n’existe que dans un sens, celui de mettre ensemble du monde, des choses. Un exemple? Voilà : J’ai été vu, assemblant les pièces d’un casse-tête. Je faisais semblant d’aimer ça.
Allez donc savoir pourquoi ça m’agresse autant. Même le fait que ça m’agresse autant, m’agresse un peu. Mais j’ai fini par renoncer à être rationnel là-dessus.
Ça et les « ce et cette » des commentateurs du hockey à la télé. « Il a vraiment travaillé fort pour récupérer cette rondelle ». Cette, c’est un adjectif démonstratif, cela signifie qu’on désigne parmi des choix, des options. À ma connaissance, quand Gallagher reprend le contrôle du disque, il n’y avait pas cinq rondelles parmi lesquelles choisir. Il y en avait juste une, « la » rondelle et Brendan l’a récupérée en échange contre trois bleus et deux dents.
Certains soirs, j’admets qu’on jurerait qu’il y a plusieurs rondelles pour les adversaires et aucune pour les Canadiens mais c’est une autre affaire.
Et un dernier mot pour la route? « Malaisant ». J’entends ça (souvent!) et j’accroche à chaque fois.
- Le film? Franchement pas bon. Malaisant même.
Ben là, vérification faite, c’est moi qui suis dans le champ. Malaisant, dans le sens d’embarrassant ou gênant, ça existe. Pas tellement dans les dictionnaires mais la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française en confirme l’utilisation correcte qui est devenue plus fréquente assez récemment, partout dans la francophonie. Alors toutes les fois où j’ai ronchonné en entendant quelqu’un l’utiliser? C’est moi qui avais tort.
Je sais ce que vous vous dites : c’est malaisant.