Parti courir, no 93. 5 septembre 2022
Je suis parti courir. Ici, à la maison. Pas sur la plage de Falmouth à Cape Cod. Avec la quantité de fusils qui circule aux États-Unis, on ne sait jamais qui et quand on peut vous prendre pour cible, même blanc, même âgé, même si on n’a pas le « profil ».
Je suis retourné récemment au Sud pour la première fois depuis la Covid. En fait, depuis plus longtemps que ça. Je boudais les voisins depuis 2016. Autant j’aimais les Américains d’Obama, autant je détestais ceux de Trump.
Mais bon, Biden a repris la Maison-Blanche, j’ai eu le temps de me dépomper un brin. L’occasion s’est présentée pour une rapide virée à Boston, un match des Red Sox et quelques jours à Cape Cod alors « Why not? » comme ils disent.
Résultat? Je suis toujours aussi ambivalent. Ils sont capables du pire et du meilleur.
Le meilleur? Colin, l’ami d’un ami qui travaille au Fenway Park dans les loges du Green Monster. Même si vous ne connaissez rien au baseball, il y a de grosse chance que vous sachiez que le « Green Monster » c’est le mur qui y ferme le champ gauche. Le Fenway Park existe depuis 1912, il est encore pratiquement dans l’état d’origine. Un lieu mythique. Colin nous a fait visiter comme si on était de la famille.
Le meilleur? Konstatinos, un chauffeur de voiture Uber. D’origine grecque, il retourne à la maison pour quelques mois tous les ans. Il lui faut deux jobs à Boston pour se permettre ça mais il ne s’en plaint pas. On a parlé de tout, même du Vieux-Québec « avec le gros château » qu’il a visité avec sa blonde avant la pandémie. Il m’a dit qu’il se verrait bien habiter là. On le prendrait n’importe quand.
Le meilleur? Une fanfare dans Salem Street. Assis à une terrasse dans le North End. Le temps est magnifique, la nourriture excellente et, tout à coup, débarque dans la rue, une fanfare! Pas un orchestre, pas un band, une fanfare : uniformes tous croches, casquettes de travers si casquette il y a, personne ne marche au pas… mais ils jouent. Pas super bien mais avec cœur (voir vidéo ci-jointe).
Le meilleur? La politesse maniaque des conducteurs à Cape Cod.
Le pire? Les drapeaux. Omniprésents. Maintenant utilisés comme une arme. Ce drapeau, là-bas, il veut dire que ses propriétaires sont de la mouvance Trump? Ou au contraire qu’ils veulent s’en affranchir? En tout, ils nous le mettent tous dans la face, tous au nom du patriotisme.
Ils ressentent un besoin viscéral de dire qu’ils sont plus américains que les autres et que « leur » Amérique, leur vision de l’Amérique, c’est la bonne, la seule, la vraie. Ça donne ce que ça donne. Et ça risque bien de continuer à donner ce que ça donne pour un bon bout de temps.
Pour vous donner une idée, sur la plage de Falmouth, un endroit assez proche du paradis, un groupe de baigneur s’était installé avec les chaises, les jouets gonflables, les glacières et, évidemment… un drapeau américain. Pourquoi? J’ai pas souvenir d’avoir vu un unifolié ou un fleurdelysé planté dans le sable de Saint-Henri-de-Taillon et c’est parfait comme ça.
Le sable, ça doit rester apolitique.
Et pour finir, mon meilleur du meilleur? La bibliothèque présidentielle de John Kennedy, à Boston. Le site et l’édifice sont remarquables mais surtout, c’est le souvenir qui s’en dégage. Celui d’une époque romantique, pas cynique, où « the Best and the Brightest »1 avaient décidé que le service public c’était quelque chose de noble, essentiel. Que l’avenir pouvait et devait être envisagé avec optimisme et confiance.
Près de la sortie, gravé dans la pierre, un extrait du discours inaugural de Kennedy qui concluait ainsi, en janvier 1961, l’énoncé des dossiers majeurs auxquels son administration s’attaquerait :
« Tout cela ne sera pas réglé dans les 100 premiers jours. / Pas plus que dans les 1000 premiers jours / ni dans la durée de cette administration peut-être même pas dans le temps de notre présence sur cette planète / Mais commençons. » 2
Nous sommes en campagne électorale. Ici, au Québec. Pouvez-vous imaginer l’accueil qui serait fait aujourd’hui à la femme ou l’homme politique qui oserait une déclaration aussi idéaliste. Le barrage d’insultes, les menaces, les accusations ?
Serait-on devenus ces z’américains-là? Oh shit!
1.Les meilleurs et les plus intelligents. Surnom qu’on donnait à l’entourage de Kennedy.
2. “All this will not be finished in the first one hundred days. Nor will it be finished in the first one thousand days, nor in the life of this Administration, nor even perhaps in our lifetime on this planet. But let us begin”.