Parti courir, no 89, 26 juin 2022
Je suis parti courir. Au bout de quelques minutes, j’ai été frappé par un éclair. Un éclair de génie. J’ai trouvé la solution à tous ces échanges de propos aussi virulents qu’inutiles sur les z’internets. Rien que ça.
Mise en contexte. J’ai parfois l’occasion d’assister aux premières loges à ce genre de « « discussions » » (oui, j’ai volontairement mis deux paires de guillemets parce que qualifier ça de « discussions », c’est beaucoup pour une seule). Ma proximité avec une certaine Personnalité-de-la-télévision-québécoise fait que je vois parfois passer des affaires qui laissent songeur.
Par exemple, la dite Personnalité-de-la-télévision-québécoise mettait récemment en vente, disons, « un bien immobilier ». Comme on est à l’époque que l’on est, elle le mentionne dans les médias sociaux, qui, parce qu’on est à l’époque que l’on est, s’enflamment. L’annonce est partagée des centaines, voire des milliers de fois, à grands coups de pouces en l’air, de cœurs et de petits bonhommes jaunes.
Tout se passe bien jusqu’à ce que quelqu’un prenne le temps d’écrire : « Mais c’est donc ben laid », s’attirant, évidemment, un déluge de bêtises de la part des fans de la Personnalité-de-la-télévision-québécoise, au point où l’auteur finira par retirer son commentaire.
Et probablement mettre le feu dans son iPad.
J’en étais à me dire « À quel point ta vie est vide de sens pour trouver essentiel de commenter négativement un condo à vendre », quand j’ai enfin compris : Ces personnes-là ne le font pas volontairement! Elles sont prisonnières. Prisonnières de Facebook, Instagram ou même de la bonne vieille télévision. On les oblige sûrement à regarder des choses qu’elles n’aiment pas et à les commenter. De la torture auto-infligée.
Bouleversé, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose pour libérer ces pauvres gens. Et j’ai trouvé! Une invention qui assainira une fois pour toutes le discours public.
Suivez-moi bien parce qu’on est dans les affaires complexes. Un grand bond en avant technologique. Je prends l’exemple de la télévision, mais on pourrait facilement adapter le concept aux médias sociaux.
J’imagine un outil qu’on aurait à la portée de la main quand on est devant la télévision. Dans ma tête, c’est comme un rectangle de plastique. Sur l’outil en question, il y a des boutons poussoirs. Je sais que c’est de la science-fiction mais je vois la scène suivante :
Quelqu’un est devant la télé. Apparait à l’écran une personne ou quelque chose qu’il n’aime pas. Au lieu d’être forcé à endurer ces images pour ensuite se fâcher, devenir hors-de-lui et éventuellement émettre un commentaire en forme de bêtise, grâce à mon invention, il pourrait, d’une simple pression du doigts, changer l’image. Pensez-y une seconde : vous avez à l’écran un sirupeux chanteur qui fait du millage depuis 30 ans sur son seul et unique succès. Plutôt que faire de l’urticaire, vous appuyez sur un bouton et l’image change! Instantanément! Vous passez du sirupeux chanteur à, mettons, des châteaux en France. Ou des girafes en liberté. Ou un gars tatoué qui cuisine.
Baisse immédiate de la pression, retour à la bonne humeur.
Il serait même pensable d’avoir un autre bouton, encore plus efficace : le sirupeux individu occupe l’écran. Sans attendre vous appuyez et, miracle, l’image passe au noir, le son tombe à zéro. Plus rien! Disparition immédiate de la source d’irritation. Nul besoin de se pomper et d’aller passer ses frustrations sur un clavier.
Je sais, c’est du génie.
Peut-être même que ça ramènerait le monde vers les livres. Personne ne se fâche contre un livre. Avez-vous déjà entendu dire que des frustrés avaient cogné à la porte de Victor Hugo pour l’engueuler sur la longueur des Misérables ou lui dire que Jean Valjean est un nom trop bizarre? Moi non plus.
J’ai déjà réfléchi à la commercialisation de ce concept révolutionnaire et j’ai trouvé le nom parfait, en m’inspirant de toutes les nouvelles compagnies du secteur technologie qui ont un nom court, « punché ».
Cette fabuleuse innovation qui empêchera tant de commentaires superflus et de chicanes stériles je l’ai baptisé : le bouton OFF.