Parti courir, no 49. 27 septembre 2020
Je suis parti courir. Encore un peu sous le choc. Je venais de lire qu’un homme de Chambord était accusé de menaces de mort sur le Premier ministre François Legault. Un homme de Chambord. Mon village natal!
Finalement, la citoyenneté de l’individu est un peu plus complexe que ça. Il aurait de la famille sur place, serait déjà passé par là, est vaguement connu, etc. Je ne peux pas dire qu’on le revendique trop fort chez les locaux. Ça se comprend.
N’empêche, je me sens le devoir de redorer le blason de la municipalité. Ça me fournit l’occasion de vous raconter une histoire qui me rend très fier de mon patelin. À Chambord, l’aréna s’appelle Centre Marius-Sauvageau.
Oui, Marius Sauvageau.
Vous pouvez le Googler, faire le tour de Wikipédia, demander à la Société historique de la région, les chances que vous trouviez une référence à Marius sont minces. J’ai essayé. La seule trace qu’on trouve, c’est un avis de décès, via un site de généalogie.
Pourtant, notre homme a un aréna à son nom. Dans le patrimoine contemporain du Québec, ça équivaut à une place au Temple de la renommée.
C’est que, à Chambord, quand est venu le temps de baptiser la nouvelle patinoire couverte, on n’a pas voulu lui donner le nom d’un politicien, d’un athlète, d’un industriel ou même d’un quart-de-finaliste à Star Académie (je suis certain que ça se trouve). Non, à Chambord on a eu l’excellente idée de rendre hommage aux citoyens les plus importants de la municipalité, les bénévoles. À travers l’un d’entre eux.
Marius, c’était LE bénévole. Je l’ai bien connu. Drôle de binette, voix éraillée, riant pratiquement tout le temps. Dans une organisation, le premier arrivé, dernier parti. Jamais dans les postes visibles. Pas le « président de » ou le « présentateur du ». Marius ne tenait jamais le micro, c’est lui qui l’avait branché. Et transporté la sonorisation. Et qui la retournerait à sa place pendant que tous les autres seraient au cocktail.
Il est décédé jeune, pas 60 ans, en 2004. C’est sûr que depuis, il a pris en charge la logistique de la ligue de fer à cheval du Paradis et qu’il y vend aussi des moitié-moitié.
J’avais quitté le village depuis pas mal de temps lorsque j’ai appris qu’on donnerait son nom à l’aréna. Je n’ai jamais su qui avait eu cette idée, si un comité s’était penché sur la question. J’ose croire que ça n’a même pas fait l’objet de longues discussions. Quelqu’un a dû dire : Marius ? ». Les autres ont répondu, parce que ça allait de soi : « Ben oui, Marius, c’est sûr ».
C’est comme ça que son nom s’est retrouvé en grandes lettres blanches, à l’entrée de l’aréna. Imaginez le nombre de fois qu’une petite joueuse du hockey mineur a demandé à son père : « C’est qui ça Marius Sauvageau? » et le père a répondu : « Ben, euh, ça doit être euh, quelqu’un… dépêche-toi, là, ton équipe est sur la glace! »
Dans le fond, il y était presque, ce père. C’est ce que Marius était, dans le sens le plus québécois de l’expression.
Marius, c’était, quelqu’un.