Parti courir, no 25. 27 mai 2020.
Je suis parti courir. Très tôt. On annonçait un maximum de plus de 33 degrés alors, comme le chantait Elvis, « it’s now or à neuf heures ». En tout cas, à Chambord quand j’étais petit, c’est ce qu’il chantait. Pas mal certain de ça.
J’écoutais un podcast. Deux anciens joueurs de hockey avec trop de temps devant eux qui prennent beaucoup trop de temps pour interviewer des gens qui ont probablement trop de temps disponible parce que tout le reste de leurs activités a été reporté. Ça distrait pendant qu’on court et on se dit que les deux gars sont dans leur élément. Au hockey.
Je suis revenu vers la maison en faisant un détour par un petit rang à la sortie de la ville. J’imagine que personne n’était passé là depuis longtemps et que c’est pour ça que j’ai réveillé un Grand héron qui prenait une pause sur le bord du chemin.
Je dis réveiller mais je ne connais pas suffisamment les Grands hérons pour savoir s’ils dorment debout, s’ils prennent des pauses pour reprendre leur souffle sur le bord du chemin ou s’ils s’arrêtent simplement pour méditer un brin. Je ne sais même pas s’ils se saluent entre eux comme des douchebags en camisole en se criant : Heille, L’Grand! Salut L’Grand! Ça va, L’Grand?
En fait, je ne sais que deux choses d’eux. 1. À l’arrêt, ce n’est pas un oiseau très joli. 2. Dès qu’il s’envole, wow, il se refait une beauté. Le Grand héron vole le corps tout étiré, Wikipédia me dit que l’adulte fait presqu’un mètre, du bec aux pattes et qu’il a une envergure d’ailes de près de deux mètres. Il en impose.
Ce que les ornithologues ne disent pas (ou préfèrent ne pas le dire pour ne pas nuire à sa réputation) c’est que le Grand héron est un brin prétentieux, pour ne pas dire baveux. En tout cas celui de ce matin l’était.
Il m’a aperçu sur le tard et par réflexe, s’est envolé immédiatement. Mais après avoir réalisé que ce n’était qu’un coureur, il est resté paresseusement proche du sol, sans trop chercher à s’éloigner. Pendant plusieurs secondes il s’est tenu comme ça à une dizaine de mètres devant moi, volant, comme on dit à vélo, sur « une p’tite gear ».
Après, mais là je ne peux pas jurer que c’est vrai ou si je l’invente, il s’est tourné la tête pour me narguer : « Tu te trouves bon toi, avec ton chandail fluo, ta montre intelligente et tes espadrilles hi-tech? Ben t’essaieras de faire ça! ».
Trois coups d’ailes plus tard, il venait d’embrayer en grande, prendre un virage serré et mettre le cap sur la rivière. Quelques instants après, il était déjà disparu au-dessus des arbres.
Moi je suis resté sur le chemin à courir. Un peu jaloux, j’avoue.