De l’importance de la non-chronique

Parti courir no 81, 21 janvier 2022

Je suis parti courir. En faisant du ménage.

J’arrête tout de suite, huit mots, deux mensonges. Non, je ne suis pas parti courir, il faisait un froid à ne pas mettre un coureur dehors. Et pour ce qui est du ménage, ça se limitera à mon téléphone, dans l’application où je note des idées de chroniques. 

Je respire mieux maintenant que les faits sont rétablis. Mais force est d’admettre que comme introduction : « Je-ne-suis-pas-parti-courir-il-faisait-un-froid-à-ne-pas-mettre-un-coureur-dehors.-Et-pour-ce-qui-est-du-ménage,-ça-se-limitera-à-mon-téléphone,-dans-l’application-où-je-note-des-idées-de-chroniques… », ça manque un peu de punch. 

De concision aussi.

Bref (bien qu’on ait passé depuis longtemps le point de non-retour du « bref »), j’ai remarqué qu’il y avait un peu plus de 220 notes dans mon application, je me suis dit qu’un coup de balai numérique serait le bienvenu. 

220 et quelques notes, je vous rassure, pas seulement des idées de chroniques. On y trouve de tout : quelques recettes, une liste des choses à faire sur Elton (une Spitfire vient inévitablement avec une liste de choses à faire), des titres de livres à acheter, trois points à ajouter à l’ordre du jour d’une réunion du club de vélo, l’amorce d’un plan de communication, le nom d’un maçon qu’on m’a recommandé et, oui, des idées de chroniques. 

Je parcours cette section là et je suis content pour vous. Vous ne saurez jamais tout ce que j’aurais pu vous infliger. 

Généralement, c’est juste une phrase, une image que je garde en note en me disant « peut-être que je pourrais allonger ça, trouver un angle? » Je laisse mariner ça des jours/semaines/mois dans l’application et, la plupart du temps, la réponse finit par s’imposer d’elle-même : Non!

Par exemple, je me disais que je devrais faire quelque chose à propos de tous les formats de chien qu’on rencontre. Ça va de Triple Small à Quintuple Extra Large. Un peu court comme sujet pour en tirer 500 mots. Tout comme la remarque que je me faisais à propos des entreprises qui se donnent un nom trop précis. Pensez au fabricant de casques qui s’appelle « Kask ». La journée où ils voudront se lancer dans les souliers, ils vont faire quoi? 

Ou ce qui me passait par la tête en voyant les exploits sur Mars du module d’exploration Persévérance. Vous saviez qu’il s’écoule 12 minutes entre le moment où la Terre pose une question et celui où Persévérance l’entend? Au fond Persévérance c’est un ado. Mais toute une chronique là-dessus? 

J’avais aussi pensé faire quelque chose sur les succès improbables. Comme celui de la télésérie « Le jeu de la dame ». Imaginez le producteur décidant d’investir des millions dans une histoire qui se déroule dans le palpitant monde du jeu d’échec. Avec de longues séquences de mains qui avancent, touchent presque, reculent et finalement saisissent une tour pour la déplacer de deux cases. Un film d’action! Ou est Sylvester Stallone? N’empêche que la série est vraiment bonne. 

Mais de là à écrire une page et demie sur la question…

Alors j’ai jeté pas mal de débuts de chroniques. Mais j’en ai aussi gardé plusieurs. Comme celui de la serveuse/lectrice du bar de nos après-matchs de hockey. Celui aussi où Céline Dion m’a demandé conseil. Ainsi que l’image du monsieur vu au resto avec sa gang d’avant le confinement qui avait l’air de réaliser que, finalement, cette gang-là ne lui avait pas du tout manqué. 

Je vous raconterai ça un jour. C’est une promesse. Ou une menace.