Parti courir, no 30. 11 juin 2020.
Je suis parti courir. En pensant à une vieille anglaise. Pas que je pense faire des infidélités à Mme Ménard mais j’ai une histoire d’amour avec les vieilles anglaises qui remonte à 2017.
J’étais sur une plage au Lac-St-Jean lorsque Chantale, la blonde de ma nièce Mélanie me dit qu’elle vend sa MG 1975. Elle sait que j’aime ce genre de voiture. Sur le coup, j’y pense un peu, pas plus. Le « moi raisonnable » a pris le dessus. Quelques semaines plus tard, j’en parle avec Mario, le mari d’une amie de Denise. Mario, c’est un gars de moteur, un gars de moto. Il sait que je sors d’un épisode pas commode question santé. Quand je lui dis que le « moi raisonnable » a eu raison d’une MG, il répond : « Coudonc, tabarna… ça te prend quoi dans la vie? »
Bon point.
Deux semaines plus tard, la MG était à Chambly.
Je n’ai jamais regretté. J’ignorais tout des vieilles anglaises, j’ai fait mon apprentissage. Oui, c’est un brin capricieux mais c’est juste de la mécanique. Surtout, ça vient avec un sympathique réseau de connaisseurs.
Par exemple, quand la voiture est arrivée, elle avait un petit bruit que je voulais faire inspecter. Je pose une question sur Facebook, on me recommande le mécanicien spécialisé Robert, à Laval. J’appelle, je parle à Sylvie, l’épouse de Robert. C’est elle qui gère la shop. Elle me trouve un trou dans l’horaire hyper chargé du mécanicien. Je passe au garage, rien de sérieux. Surtout, je viens de mettre un pied dans le monde des vieilles anglaises.
Depuis, j’ai eu je ne sais pas combien de conversations avec Sylvie. En personne, au téléphone, par courriel, en texto. On jase d’actualité, de politique américaine et, évidemment, un peu de mécanique. Ensuite, je parle avec Robert. Il pourrait facilement m’ensevelir sous les termes techniques mais il a l’élégance de reconnaître le néophyte absolu que je suis, alors il se retient.
On a comme un accord tacite. Il me dit des affaires, je fais semblant de comprendre, il fait semblant de croire que j’ai compris.
L’an dernier nous avons pris part à une virée de vieilles voitures anglaises qu’ils organisaient au New Hampshire. J’ai eu la bonne idée d’y tomber en panne. C’était la place. Robert était là, secondé d’une armée de mécanos amateurs équipés en conseils et pièces de rechange. La MG a fini par repartir, grâce à un créatif détournement du circuit électrique. Après, je devais allumer mes lumières pour démarrer la voiture. Vrai, vrai.
Tout ça pour dire que les vieilles anglaises, c’est un monde. On s’y attache, on se tient au courant. C’est ainsi que j’ai vu, il y a une semaine, la mise en vente d’une splendide Triumph Spitfire, un modèle restauré, jaune « Inca ». Je suis vite passé par toutes les étapes de la rationalisation :
- Elle est belle mais j’en ai pas besoin
- J’en ai pas besoin mais je pourrais peut-être m’organiser
- Je pourrais m’organiser et c’est plein de bon sens
- C’est plein de bon sens et elle va prendre de la valeur
- Seigneur, c’est un investissement!
La Spitfire est maintenant rendue à Chambly. Restait à lui trouver un nom. J’avais commencé à chercher quand Sylvie, la même Sylvie, a proposé : Tu devrais l’appeler Elton. Elton? Ben oui, Elton… Jaune.
Évidemment.
- M’sieur l’agent, c’est pas de ma faute, c’est Elton
- ?
- Rocket Man jouait à la radio, la voiture s’est emballée
- ??
- Laissez-donc faire, c’est un peu compliqué…