Parti courir, no 15. 24 avril 2020.
Je suis parti courir. Comme j’allonge les sorties, j’ai le temps de prendre des notes mentales d’histoires à raconter. Au kilomètre six ou sept, j’en suis à penser aux quelques bonnes choses que le confinement nous aura apportées. La télémédecine notamment. Hier, j’ai réglé un rendez-vous de routine avec ma docteure en dix minutes. Normalement, le temps de se rendre à l’hôpital, l’inévitable retard, le rendez-vous comme tel et le temps de revenir, on parle d’une affaire de trois heures. Le rapport avec Reba McEntire? Soyez patients un peu.
Avant que vous m’interrompiez, je parlais des bonnes choses. On a aussi découvert que le téléphone s’était un peu amélioré depuis le temps des Pays d’en-haut. Il y a maintenant des images! Oui monsieur. On a trouvé l’option caméra sur Messenger, réalisé que FaceTime ce n’est pas une application de maquillage et appris que Zoom c’est super facile à utiliser. Reba? Encore une minute.
Autre progrès temporaire, routes vides et essence pas chère. Un progrès mais en même temps une grande ironie. Des conditions idéales mais les régions sont fermées, il n’y pas d’endroit où arrêter, pas de pause-café à prendre, c’est pas encore le vrai printemps alors la campagne est plus grise que verte. Comme dans l’expression anglaise “All dressed up and nowhere to go” (habillé chic et nulle part où aller). Ce qui m’amène (enfin!) à Reba McEntire. Tout ça se tient, je vous le jure, donnez-moi encore un peu de jeu.
Reba McEntire, c’est une méga star de la musique country. Plus de 40 millions d’albums vendus. Une belle tête en plus, le genre d’invitée idéale dans les talk-shows, une rigolote, toujours prête à se moquer d’elle-même. Pourquoi je vous en parle? Parce qu’elle a une chanson qui s’intitule All Dressed Up and Nowhere to Go. Doublement d’actualité, la chanson parle de quelqu’un qui vit dans une résidence pour personnes âgées* :
- Ruby Wilson vit dans la chambre 303. Elle y est pratiquement tout le temps. Mais on est dimanche. Les dimanches, elle se met sur son 36 et attend la visite qui va l’amener quelque part. Elle attend depuis 9h00, il est presque midi. La visite n’arrive jamais. Les journées sont longues quand on est habillé chic et qu’on n’a nulle part où aller.
Quand on fera l’inévitable commission d’enquête sur ce qui s’est passé dans les résidences pour personnes âgées, j’espère qu’on se souviendra que bien avant la Covid-19, les CHSLD étaient déjà pour bien des personnes des salles d’attentes à sens unique. Pleins de gens qui fixent la porte en attendant la visite qui ne vient jamais. Que c’était déjà pas joli mais que, collectivement, on vivait plutôt bien avec ça. Qu’on aura une petite gêne à se garder dans l’identification des coupables.
*Un extrait de All Dressed Up and Nowhere to Go que j’ai adapté librement, avec mes excuses à Reba.
Ruby Wilson lives in 303
Where she spends most her time
But it’s almost noon on Sunday
And she’s been sitting in the lobby since nine
She’s all dressed up in her best hat and gloves
She’s all dressed up
Watching and waiting, but nobody comes
Some days sure are lonely days
And time can move so slow
When you’re all dressed up
With nowhere to go