Parti courir, no 66. 14 mars 2021
Je suis parti courir. Comme il y a un an. Je pensais à cette coïncidence. La chronique qui marque l’anniversaire des débuts de Parti courir est la soixantaine-sixième. 66, comme dans la Route 66 qui traverse les États-Unis de Chicago jusqu’à la Californie. Un trajet mythique, un symbole de liberté.
Parti courir aura été ma Route 66.
La dernière année a été une forme d’emprisonnement. Pas de famille, plus d’amis, presque pas de sport, pas moyen d’aller nulle part. Même plus de « un club sandwich avec frites » dans n’importe quel restaurant du bord de n’importe quelle route, n’importe où, à n’importe quelle heure. En gros, totalement l’inverse d’un trip Route 66.
Alors quand on ne peut pas aller nulle part, on fait quoi? On écrit, à propos des minuscules opportunités qu’il nous reste. Une forme d’évasion, de thérapie presque, par le clavier. Dans laquelle vous avez joué le rôle du psy qui fait « hum-hum » en prétendant que c’est intéressant pendant que moi, allongé sur le divan : « bla-bla-course… bla-bla-un monsieur… bla-bla-musique… bla-bla-bla… ».
J’espère que votre tarif est raisonnable, je me suis constitué une sacrée facture.
Mais on arrive à la fin de la Route 66 des confinés. J’ai même vécu cette semaine l’équivalent de l’entrée en Californie. J’ai remis les patins pour la première fois depuis longtemps. Dans la région, on peut présentement réserver le quart d’une glace d’aréna pour une heure. Avec évidemment tout un tas de restrictions : Visière et masque, deux personnes au maximum par section de glace, gestion des entrées et sorties, etc.
C’est comme ça qu’on s’est retrouvés, mon vieil ami Alain et moi, deux jeunots dans la soixantaine, à tourner en rond, pratiquer nos pivots et échanger des passes dans 4000 pieds carrés de paradis glacé loué à l’heure.
On s’est même inventé des jeux comme celui de viser les poteaux : un point pour un poteau de côté, deux pour la barre transversale.
Premier constat, c’est pas si facile que ça. On n’en a pas frappé beaucoup. Deuxième constat, vous savez le « BING! » qu’on entend quand les pros frappent un poteau? Le son est directement proportionnel à la force de l’impact. Dans notre cas, c’était tout au plus un « bing », en minuscule, sans point d’exclamation. Parfois même un « b-b-blop… », comme si la rondelle était en carton.
Sentiment contradictoire, t’es fier d’avoir frappé le poteau mais un peu gêné du résultat sonore. Ne me demandez pas le pointage final, ce qui est à l’aréna reste à l’aréna.
Ok, j’ai gagné.
5-0 puisque vous insistez.
Quoi? Arrêtez donc, là… oui, deux fois la barre transversale.
Comme à la petite école, la sonnerie a signalé la fin de la récréation. On a quitté la glace, enlevé nos casques, chacun sur son petit banc. Assis pas très loin de deux duos père-fils qui étaient sur la glace avec nous. Les petits gars nous ont regardés comme des extra-terrestres. Ils venaient de réaliser que les deux gars qui jouaient (quand même pas si mal) en même temps qu’eux étaient probablement plus vieux que leurs grands-pères.
Qui sait, on vient peut-être de relever la barre pour une série de bonhommes? J’en imagine un, une patate de sofa, le genre à se fouler un pouce en jouant au Scrabble. « J’te jure papy, ils étaient plus vieux que toi! Tu pourrais venir jouer? Il te faudrait juste un bâton, un casque, des gants, des patins. Je pourrais te montrer à lancer! »
De rien, papy, ça fait plaisir. Bonne chance avec les poteaux.
1 commentaire
Bernard Lemay · 15 mars 2021 à 20h38
Merci Guy, très bonne chronique encore une fois.
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