Parti courir no 100. 9 février 2023
Je suis parti courir. Rouler plutôt. Allez donc savoir pourquoi, je me suis mis dans la tête d’un extra-terrestre, en visite ici, faisant rapport à sa base :
« Les Terriens sont étranges. Certains se réunissent dans une espèce de temple. Là, ils montent sur des appareils pour se déplacer plus rapidement. Ensuite, ils dépensent beaucoup d’énergie… pour aller nulle part. Ils tournent en rond! Après, ils semblent très excités, leurs signes vitaux sont en hausse. Ils sont comme ça les Terriens. Cherchez pas à comprendre ».
C’est sûr que, vu d’une galaxie lointaine, le concept d’un vélodrome est dur à saisir. En fait, même pour un Terrien, face au mur d’un virage qui a une pente de 42%, c’est un peu difficile à comprendre.
On était 17 du Club cycliste de Chambly au vélodrome de Bromont. Notre guide nous a justement amené à ce virage (« pas pour vous faire peur » qu’il a dit. Me semble, oui). Je gagerais qu’on a tous pensé quelque chose comme : « Oh, shit, on va vraiment aller là? ». Moi, j’ai pensé ça en tout cas.
On y est allé. On en redemande! Marc Couture est entraineur au Centre national de cyclisme de Bromont et membre de notre club. Il nous avait invité à essayer la piste. Ne roule pas là qui veut, il faut avoir reçu une formation. Samedi dernier, c’était notre initiation.
Marc est vraiment un bon pédagogue. Soucieux de la sécurité des participants. D’un exercice à l’autre, on se fait à l’environnement, à la cohabitation, au vélo lui-même. On roule avec ce qu’on appelle un « pignon fixe ». Ça signifie une seule vitesse (une grosse) et… pas de freins. Ça surprend au début mais on s’habitue vite. Faut juste accepter la notion que si tu es dans une situation qui demanderait un freinage serré… t’as intérêt à trouver rapidement un Plan B.
Autre apprentissage, alors que sur la route le cycliste qui double est à gauche, à la même hauteur que toi sur le pavé, sur piste, il te dépasse à droite, en montant dans la pente. Parfois, le cycliste qui dépasse roule plus haut que ta tête. Du vélo en trois dimensions!
À la fin de la formation, on tournait comme des horloges. On faisait nos relais à trois, avec Stéphane Alary et Jean Ellyson, pareil à des Hollandais qui ont les quadriceps gros comme des jambons. Vu de l’extérieur, on avait possiblement l’air plus « jambons » que « Hollandais » mais je vous jure, on commençait à maitriser la chorégraphie : le premier monte un peu dans le virage, ça le ralentit juste assez pour se faire dépasser. Ensuite il redescend en profitant de la pente pour accélérer et rejoindre les autres. Du ballet sur roues.
Plus facile à écrire qu’à faire. Je vous jure, quand on a réussi un premier relais parfait, si on n’avait pas été occupé à conserver la bonne vitesse, tenir nos lignes, amorcer nos virages à l’endroit précis et surveiller tout le tour de nous (je vous avais mentionné « pas de freins », non?), je suis certain qu’on se serait donné des tapes dans le dos. Dans nos têtes, on l’a fait.
On était encore sur la grosse adrénaline quand on est sorti du vélodrome. C’est vraiment un équipement formidable qui n’a qu’un seul défaut. Il n’est pas au bon endroit. C’est dans mon village de Chambord, Lac-Saint-Jean, qu’il devrait être. C’est ce qui serait arrivé, si on avait écouté André Lestourneau, dans les années 60.
André était le patron d’un excellent club de vélo basé à Chambord. On y trouvait plusieurs des meilleurs coureurs du Québec et même des coaches américains. Il y avait de grandes compétitions chez nous chaque année. André, qui n’était pas à un projet grandiose près, avait lancé l’idée de récupérer l’armature d’un vélodrome délabré à Montréal pour en faire un centre d’entraînement au Lac-Saint-Jean.
Ça n’a pas fonctionné au Lac mais à Bromont, des décennies plus tard, on a eu la même idée en récupérant le vélodrome des Jeux olympiques d’Atlanta.
Samedi sur la piste, je me suis dit qu’André Lestourneau serait content de voir un cycliste de Chambord rouler dans un vélodrome.
Même avec 500 kilomètres et 55 ans de décalage.
P.S. Merci à François Lafortune pour la recherche d’archives.
En passant. Cette chronique c’est ma 100e! J’ai écrit la première en mars 2020. Donc trois ans de Parti courir. Une moyenne 33 et 1/3 chroniques par an. Est-ce qu’il y a quelque chose de plus « baby boomer » que de produire à la vitesse d’un disque vinyle, d’un 33 tours?
Pour en apprendre davantage sur les grandes années du cyclisme et le projet de vélodrome à Chambord.
1 commentaire
Denis Richer · 11 février 2023 à 9h57
Félicitations Guy pour ta persévérance et la qualité de tes textes qui sont toujours divertissants et intéressants à lire. J’espère qu’il y aura de nombreux 33 tours à venir de ton cru…
Merci et longue vie à ces chroniques!!!!
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