Parti courir no 118. 31 octobre 2024

Parti courir, no 118

Je suis parti courir. Après un mouchoir, un essuie-tout, une manche de chandail, n’importe quoi qui me permettrait d’essuyer les larmes qui s’étaient invitées, sans s’annoncer.

Nous avions pris, madame Ménard et moi, un apéro de début de soirée sur une terrasse du quartier gothique de Barcelone. Vers 20h00, le temps était doux, pas tout-à-fait manches courtes, pas tout-à-fait manches longues. Les Barcelonais ne sont jamais pressés de souper. Nous ne l’étions pas non plus. 

Partis marcher encore un peu après l’apéro, nous sommes passés devant la porte ouverte de la Basilique. Il y avait du monde, j’ai lancé comme ça : « On va voir ? ». 

J’ai reçu une basilique en pleine face.

Comme il y faisait vraiment très sombre, c’est le son qui m’a happé. La mélodie inimitable d’un curé disant la messe. En espagnol, bien sûr. Nous venions de mettre les pieds dans la Basilica Santa Maria del Mar, un temple datant du 14e siècle. Sur le site internet de l’endroit, on dit qu’elle frappe les visiteurs par son immensité, ses trois nefs et ses trente-trois chapelles. 

Moi ce qui m’a touché c’est la voix très douce d’un prêtre espagnol disant la messe. Une incontrôlable poussée d’émotion.

J’ai dit à Mme Ménard : « On s’assoit ? ». Elle m’a regardé : « Tu pleures ? Ben oui, on s’assoit ». J’essayais de remettre ma plomberie interne sous contrôle quand on a entendu les clochettes qui annoncent la communion. Mme Ménard m’a dit : « J’y vais ». J’ai tout de suite deviné qu’elle y allait pour une personne en particulier, ce qui n’allait pas ralentir mon débordement lacrymal. Elle avait à peine mis le pied dans la direction du calice quand la musique a commencé, suffisamment puissante pour remplir la basilique. L’Ave Maria de Schubert. 

L’Ave Maria ! Câlinne, vous faites exprès ?

Moment confession : J’écoute à En direct de l’univers quelqu’un que je connais pas chanter une toune que je connais pas à quelqu’un que je connais pas vraiment et ça me touche. Alors là, dans la demi-obscurité d’une basilique de Barcelone, l’Ave Maria ? 

Rendu là je braillais comme un veau*. Au moins le contexte pouvait expliquer mais tout de même, c’était pas mal liquide comme moment. 

En sortant, je savais que je venais d’ajouter une ligne à la liste de mes plus beaux souvenirs de voyage. 

Pourquoi ça m’est autant rentré dedans ? Allez donc savoir. Curieusement, quelques jours avant, mon ami Gérald** avait eu cette phrase en parlant des églises : « On n’échappe pas à son héritage catholique ». C’est bien vrai, on a beau ne plus pratiquer depuis longtemps, ça reste une corde sensible.

Le lendemain, après le débordement de la Basilique, j’arrivais avec un peu d’appréhension (et plusieurs papiers-mouchoirs, au cas où) à la Sagrada Familia, un incontournable à Barcelone. Tout le monde t’a averti : « Tu dois absolument y aller, tu vas tomber sur le c… ». C’est vrai. Même préparé, tu tombes sur le c… La démesure des lieux et du projet (ils ont commencé la construction en 1882, les plus optimistes disent que ça serait fini en 2028), le génie de l’architecte Antoni Gaudi, la lumière filtrée par les vitraux, les styles très très différents des sculptures selon les côtés de l’édifice, l’un très classique, l’autre hyper moderne. La crypte souterraine, la multitude de détails pertinents. Le… la… les… 

Chaque jour, 25 000 personnes paient le prix d’admission à la Sagrada Familia. Il ne doit pas y avoir beaucoup de demande de remboursement. 

Notre guide était excellent. Érudit et enthousiaste. Conscient de ses effets, il commence à nous raconter l’histoire de la Sagrada Familia à l’extérieur. Avant de nous y faire entrer, il nous dit qu’il va se taire pour nous laisser absorber le choc. On franchit la porte et dans nos écouteurs, commence une musique… l’Ave Maria ! 

Mme Ménard se tourne vers moi, certaine d’assister au tome deux des Grandes Eaux. Mais non ! Touché, oui, évidemment. Faudrait être complètement sans cœur pour ne pas l’être. Mais bien sec. Question de timing, je suppose.

Ceci dit, je sais déjà quand la Sagrada Familia pourrait vraiment venir me chercher. Dans les hauteurs du bâtiment, on aperçoit une longue série d’estrades. De la place pour accueillir 1500 choristes. 1500 ! Ça arrive parfois lors d’un événement musical spécial. Gaudi avait bien sûr pensé à l’acoustique, ça doit être complétement fou. 

Si j’avais la chance d’assister à pareil concert je prendrais le temps d’apprendre quelques mots d’espagnol pour le personnel de sécurité qui me demandera ce que j’ai dans mon sac. Je répondrai : Una caja de pañuelos. Una caja grande.

Une boite de papiers-mouchoirs. Une grande boite.

Des fois que l’Ave Maria serait au programme. 

*Note à la parenté qui connait l’agriculture : Ça vient d’où cette expression? Un veau, est-ce que ça braille pour vrai? Est-ce que quelqu’un lui fournit les kleenex?

** En passant, un gros merci à nos formidables amis, hôtes et guides Louise et Gérald qui nous ont permis de découvrir la Costa Brava et Barcelone.


2 commentaires

Benoit Bouchard · 31 octobre 2024 à 22h03

Guy.Ta chronique m’a fait du bien après avoir regardé les nouvelles du soir. Mes salutations à madame.

    Guy Ménard · 1 novembre 2024 à 12h45

    Bonjour M. Le directeur! Content d’avoir mis un peu de lumière dans votre journée. Denise vous envoie le bonjour.

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