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Parti courir, no 96. 30 octobre 2022

Je suis parti courir. En pensant à Alain. Je pense souvent à lui depuis son départ subit, le lundi 24 octobre. Tellement ironique qu’il soit parti aussi abruptement. Ce n’était vraiment pas le genre à partir tôt et encore moins à partir le premier.

Je jouais au hockey avec Alain depuis 38 ans. Dans la même ligue à Chambly, le mercredi soir, depuis 26. Un jour, je vous parlerai plus en détail de mon vieux compagnon mais aujourd’hui, je vous raconte une histoire de hockey. Une vraie, rien d’inventée, qui s’est passée mercredi dernier.

Ce soir-là, la gang se rencontrait pour une première fois depuis le décès d’Alain. Au fil des années, de solides amitiés se sont nouées dans le groupe. Je leur avais annoncé la mauvaise nouvelle lundi, je savais que la soirée serait émotive. Aussi émotive que le laissent paraitre des joueurs de hockey de ligue de garage, dans la cinquantaine et la soixantaine. 

Comme d’habitude, je suis arrivé le premier dans le vestiaire. J’ai accroché à sa place régulière son chandail « Gervais » avec le numéro 4 du Club de hockey des Médias. Les autres sont arrivés peu à peu, prenant bien soin de laisser un espace vide, après être passés m’offrir leurs sympathies. 

On s’est habillé en jasant pas beaucoup, on a ensuite pris la glace pour le réchauffement. J’ai fait quelques lancers sans grande conviction mais surtout, j’ai reçu quantité de tapes sur le casque, de poussées amicales dans le dos et de petits coups de hockey dans les pads. 

Le « p’tit coup de hockey dans les pads », c’est le langage universel du hockey. Selon l’occasion, ça peut signifier un « Bravo » pour une belle passe ou un lancer bloqué, un « Je te pardonne » pour une sortie de territoire manquée ou encore, comme mercredi, « On est là, mon chum, on est là ». 

Faut que je vous dise qu’en hommage personnel à mon partenaire de défense, j’avais décidé d’enfiler son chandail des Red Wings, un classique quand il jouait dans l’équipe en blanc. 

On a fini l’échauffement, le patron de la ligue, Gilles, a demandé à tout le monde de se regrouper au centre de la patinoire et il a dit quelques mots. Ensuite, Benoit Massicotte a improvisé un petit speech sympathique sur Alain, ses habitudes, ce qu’il représentait pour nous et on a gardé une minute de silence. 

Après 60 secondes, quelqu’un a crié « Bon match! ». Plusieurs se sont essuyés les yeux, on a remis nos casques, l’arbitre a fait la mise au jeu. Et là, Benoit Massicotte, le même Benoit Massicotte qui venait de parler d’Alain devant le groupe, Benoit Massicotte, il a compté sept buts.

Benoit Massicotte.

Sept buts.

Juste dans les deux premières périodes. Trois lors d’une seule présence sur la glace.

Ça n’arrive pas le mercredi soir à Chambly, une soirée de sept buts. Deux, c’est un bon soir. Trois, un gros soir. Quatre, on en parle dans le vestiaire. Sept? Sept, je ne me souviens pas que ça soit arrivé. Par Benoit en plus? Un bon joueur mais pas Gretzky quand même.

Sept buts pratiquement tous sur des passes de Louis et André, tous les deux parmi les meilleurs amis d’Alain dans le groupe. Et même un sur une passe involontaire de Bob, défenseur du côté adverse, aussi un bon ami d’Alain. Bob n’échappe jamais ça, lui, une passe parfaite à l’adversaire !

Ça fait beaucoup de coïncidences. Rendu au septième but, Benoit avait bien compris qu’il se passait quelque chose. Il a ramassé la rondelle et me l’a remise. 

Après le match, on est allé prendre une bière, plus nombreux que d’habitude. Tout le monde a raconté son anecdote favorite de Gervais. Jadis, on aurait sûrement « fermé le bar ». Comme on n’est plus de cet âge, on a juste pris une bière de plus. Le temps de décider que le chandail bleu numéro 4 des Médias serait dorénavant remis au joueur du match (devinez qui est reparti avec mercredi). Aussi, que le chandail des Wings allait jouer pendant toute la saison, porté en rotation parmi les joueurs des blancs.

On s’est levé pour partir et quelqu’un (Louis?) a dit : « Avez-vous remarqué? ». Sans que personne n’en parle, même si on était beaucoup, le fauteuil qu’occupait toujours Alain au bar était resté vide toute la soirée.

Ça fait pas mal de coïncidences. 


2 commentaires

Odette · 31 octobre 2022 à 14h31

« Ceux qu’on aime ne meurent jamais »

Yves · 11 novembre 2022 à 18h40

Je viens tout juste de lire ton texte. Mes sympathies Ti-Guy.Difficile pour moi de te donner un petit coup dans les pads. Autour de nous, on voit de plus en plus des amis et connaissances qui meublaient nos réalités disparaître sans crier gare. À chaque fois ils partent avec un peu de nous. Ton texte c’est l’ode à la camaraderie, à l’esprit de ceux qui partagent une même passion. Un très beau texte. Gervais serait sans doute fier de le lire…peut-etre là haut il y a internet le 5 G…..ervais

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